La gestion de produit, c’est aussi l’engagement utilisateur

portrait de Nir Eyal auteur de HookedCet article est une transcription et traduction du podcast « User engagement is Product Management » publié sur le site This Is Product Management le 9 mars 2015.

Nir Eyal, serial-entrepreneur et auteur de Hooked: How to Build Habit Forming Products, explique comment la formation d’habitudes peut remplacer les publicités coûteuses et les techniques de marketing intrusif. Il explique également si on peut construire un produit avec des habitudes sans résoudre un problème, comment Facebook accroche les utilisateurs et la vérité derrière l’acquisition d’Instagram par Facebook.

Nir Eyal anime le site NirandFar.com. En vous inscrivant à sa newsletter, vous pourrez obtenir un Ebook qui vous aidera à trouver les accroches pour votre produit. Je vous le recommande!

 

Ouvrages mentionnés dans le podcast
The Half Life of Facts par Samuel Arbesman

Hooked: how to build habit forming products par Nir Eyal

Mike FishbeinSalut Nir! Pourquoi les habitudes sont-elles si importantes pour les chefs de produit?

Nir Eyal – Les habitudes sont ces comportements qui se produisent de façon inconsciente ou presque. C’est à peu près la moitié de ce que nous faisons tous les jours, jour après jour. Elles sont faites de ces impulsions et nous ne sommes pas conscients de ces habitudes, mais il s’avère qu’une grande part de ce que nous faisons tous les jours est déterminé par ces impulsions inconscientes.

Et il se trouve que les entreprises peuvent créer énormément de valeur pour les clients ainsi qu’une valeur économique en intégrant des habitudes dans la conception de leur produit afin qu’il n’y ait plus la nécessité d’un marketing onéreux auprès des utilisateurs, qu’il n’y ait plus besoin de messages et d’e-mail envahissants. Ils sont incités à utiliser le produit d’eux-même. Ils sont auto-incités à utiliser le produit en prenant ces habitudes avec le produit.

Mike Fishbein – L’implication de l’utilisateur, c’est la gestion de produit. J’admets humblement que je ne savais rien de tout cela. Avant d’aller plus loin, qui est donc Nir Eyal et comment a-t-il appris tout cela?

Nir Eyal – J’ai lancé quelques entreprises high-tech et la dernière se trouvait à l’intersection du jeu vidéo et de la publicité. Ces deux industries dépendent de la manipulation mentale. Vous savez que les publicitaires ne dépensent pas tout cet argent pour le plaisir, ils dépensent tout cet argent pour modifier le comportement des usagers, pour faire acheter aux gens ce qu’ils veulent qu’ils achètent.

L’industrie du jeu dépend beaucoup de sa capacité à changer le comportement de l’utilisateur pour mener les gens sur une voie, vous savez cette voie préétablie au cours d’un jeu. Et donc à l’intersection de ces deux industries, j’avais cet angle de vue qui me permettait de voir de nombreuses expérimentations, de voir les entreprises et les produits aller et venir et j’ai pu commencer à capter les schémas qui faisaient que certains produits étaient si attirants et parvenaient à retenir l’intérêt des utilisateurs alors que d’autres ne décollaient jamais , ne parvenaient jamais à intéresser qui que ce soit.

Donc après avoir développé mes dernières entreprises, j’ai commencé à faire de nombreuses recherches afin d’expliquer ces techniques. Et ce que j’ai découvert dans l’industrie, c’est que beaucoup de gens utilisent ces techniques, ils utilisent la psychologie profonde des raisons qui poussent les gens à faire ce qu’ils font, mais ils ne savent pas pourquoi ces techniques ont fonctionné. Il n’y avait pas de noms pour elles, ils ne savaient pas identifier pourquoi ces choses fonctionnaient. Ils le faisaient uniquement parce que leurs concurrents le faisaient ou parce que c’est la façon dont ils l’avaient fait auparavant. Et je n’ai trouvé aucun manuel indiquant comment construire un produit créateur d’habitude.

C’est le livre que je voulais écrire. Je voulais écrire un guide du chef de produit pour construire des produits créateurs d’habitude.

Mike Fishbein – Cela semble contredire beaucoup de ce que nous savons du comportement des utilisateurs et de la gestion de produit. Nous avons parlé d’identifier les problèmes et d’expérimenter les solutions. Maintenant, il semble que Nir nous dit que tout ce que nous avons besoin de faire, c’est d’accrocher nos clients et nous pouvons construire n’importe quoi.

Nir Eyal – Je ne pense pas que vous puissiez créer une habitude sans une spécificité attrayante. La première étape de ce modèle que je présente dans mon livre, ce modèle est appelé le hook (l’accroche). Et tous ces produits créateurs d’habitude ont ces hooks intégrés dans la conception du produit. Le hook se compose de quatre phases fondamentales.

Qu’est-ce que le hook? laissez-moi revenir en arrière, le hook c’est une expérience conçue pour relier le problème de l’usager à la solution de l’entreprise à une fréquence suffisante pour créer une habitude. Il s’agit donc de relier problèmes et solutions. Je suis un grand partisan de la méthodologie Lean Startup. Mais voilà où est le problème. J’ai adhéré sur toute la ligne à la Lean startup et au customer development. Dans ma dernière entreprise, nous vivions et nous respirions méthodologie Lean startup mais voici pourquoi je me retrouvais toujours coincé.

La partie la plus coûteuse des méthodologies Lean startup proposées par Eric Ries et Steve Blank, de cette boucle construire, mesurer, apprendre, la partie la plus coûteuse c’est la phase de construction. La construction est la phase où vous versez sang, sueur, larmes et argent. Les mesures et l’apprentissage c’est amusant, c’est facile en comparaison, c’est la construction qui est difficile.

Ce que je propose c’est donc une nouvelle méthodologie, un nouveau cadre qui se base sur ce que les utilisateurs ne parviennent pas forcément à exprimer. Souvenez-vous que le customer develoment et la Lean startup sont formidables pour comprendre ce que les clients souhaitent et qu’ils sont capables de vous dire qu’ils souhaitent. Et bien ce que je propose c’est de chercher plus loin que ce qu’ils peuvent vous dire qu’ils souhaitent car il y a de nombreux comportements que les utilisateurs auront et qu’ils seront incapables d’exprimer.

Je propose donc de s’intéresser à la psychologie du client afin de comprendre certains des vecteurs des comportements humains. Pourquoi? Afin de pouvoir construire la bonne chose plus tôt. Dans ma dernière entreprise nous avions toutes ces idées sur ce que nous devrions construire et décider ce que nous devions construire était un peu un jeu de devinettes. Devrions-nous construire ce que le plus gros client nous dit de construire, devrions-nous construire ce que les investisseurs disent que nous devrions construire, devrions-nous construire ce que le PDG nous dit de construire, que devons-nous construire? Ce que je veux donner c’est donc un cadre fondé sur la psychologie du consommateur qui nous aide à construire le bon truc plus tôt afin d’avoir moins de perte au cours du processus. Donc pour décrire rapidement ce hook, la réponse à la question est-ce qu’une spécificité d’attrait est nécessaire? oui c’est absolument nécessaire.

Ça commence d’abord avec cet élément déclencheur interne.

Pour donner une vue d’ensemble du modèle, chaque hook comporte ces quatre phases fondamentales, l’élément déclencheur, l’action, la récompense et l’investissement. Et c’est en passant par des cycles successifs à travers ces hooks que ces habitudes se créent. Donc les déclencheurs, le but ultime des produits créateurs d’habitude est de créer une association mentale avec ces déclencheurs internes, afin que chaque fois que nous ressentons une certaine émotion, que nous sommes dans une certaine situation, une routine, nous reproduisions automatiquement ces comportements de façon inconsciente ou presque.

Par exemple quand je m’ennuie, je saute sur Youtube ou Reddit, quand je me sens seul je vais consulter Facebook, quand j’ai un doute je vais sur Google. Ce sont ces associations à ces émotions négatives qui nous incitent à passer par le hook.

Mike Fishbein – Il semble donc que les hooks ne remplacent pas du tout la spécificité d’accroche. Ils les accentuent et renforcent les solutions. Nir a beaucoup parlé d’optimiser l’itinéraire produit mais la façon dont les chefs de produit pouvaient évaluer le potentiel d’accroche n’était pas clair.

Nir Eyal – Il y a cette technique que je présente dans le livre au chapitre appelé test d’habitude. Le test d’habitude est cette procédure en trois étapes pour vous aider à identifier quelles sont les habitudes si vous en avez avec vos produits et comment vous pouvez étendre ce comportement de vos consommateurs habitués au reste de votre base usagers.

Voici donc la procédure en trois étapes. La première étape est l’identification. Vous pouvez définir à quoi ressemblent les utilisateurs habitués. Ils utilisent le produit une fois par jour, trois fois par jour, trois fois par semaine, quelque soit ce que vous pensez être le niveau d’utilisation du produit par un utilisateur habitué. Identifiez ces utilisateurs. La première étape est d’identifier qui sont les utilisateurs qui ont ce comportement.  L’ étape suivante est de codifier le chemin emprunté par ces utilisateurs pour devenir habitués à votre produit et la troisième étape après l’identification et la codification est la modification. Modifiez le chemin, modifiez ce que j’appelle l’itinéraire d’habitude que tous les utilisateurs empruntent pour devenir habitués. Donc, vous identifiez les consommateurs qui sont habitués, vous codifiez le chemin qu’ils ont emprunté en étudiant les données sur la façon dont ils sont passés par cette expérience utilisateur et enfin modifiez le produit afin que tout le monde suive le même chemin.

Mike Fishbein – Ça m’a amené à me demander quelles sont les entreprises qui font vraiment bien l’engagement utilisateur? De quelles études de cas pouvons-nous apprendre?

Nir Eyal – Il y en a plusieurs, si vous pensez aux plus connus des produits qui sont en quelque sorte sortis de nul part au cours des dernières années, peut-être les cinq ou dix dernières années, et qui en un clin d’œil ont changé les comportements des utilisateurs à grande échelle, ont généré des centaines de million voire des milliard de dollars et ont touché des centaines de millions voire des milliards d’utilisateurs. Ces entreprises comme Facebook ou Twitter, Instagram, Pinterest, Whatsapp, Slack dans l’environnement professionnel, il y a toutes ces entreprises qui ont créé ces habitudes avec succès dans la vie quotidienne des utilisateurs.

Facebook et Slack sont deux très bons exemples, ils ont tous les deux intégré de très beaux hooks.

Le hook de Facebook par exemple, le déclencheur interne pour ouvrir Facebook pourrait être la solitude, cette focalisation sur cette émotion négative que nous ressentons et que nous cherchons à fuir. Le cerveau forme donc ces associations avec le temps entre le problème et sa solution en passant par ce hook. Vous vous sentez seul, vous cherchez du lien, vous ouvrez l’application, c’est l’action. La récompense variable, la troisième étape du hook c’est ce que vous voyez dans votre fil d’actualité. Et il y a une grande variabilité ici, il y a une grande incertitude concernant ce que les gens postent, que diront les commentaires, combien de like quelque chose obtiendra, un haut degré de variabilité qui fait que nous allons continuer à consulter ce produit, cette incertitude sur ce que nous allons trouver la prochaine fois que nous nous intéresserons au produit.

D’ailleurs l’objectif de la récompense variable est de « gratter là où ça démange » autrement dit, qu’arrive-t-il à mon ennui ou ma solitude la première fois que j’ouvre le produit, dès que j’ouvre le produit et que j’engage cette action et bien la récompense variable « gratte cette démangeaison » et je ne suis plus en recherche de lien, je ne m’ennuie plus. Cette focalisation est atténuée et vient ensuite l’étape d’investissement du hook qui consiste à demander à l’utilisateur de travailler un peu pour augmenter la probabilité de la prochaine visite.

Et cela arrive de deux façons. La première est lorsque les investissements introduisent le prochain déclencheur. Donc par exemple, lorsque je laisse un commentaire à quelqu’un ou que j’aime quelque chose, je demande quelqu’un en ami, j’introduis le prochain déclencheur car en faisant cela, j’autorise l’entreprise à m’envoyer des messages dans le futur afin de me ramener à nouveau vers le hook via ce qu’on appelle un déclencheur externe qui me donne des informations sur ce que je peux faire ensuite.

L’autre façon dont l’investissement augmente la probabilité de la prochaine visite est d’emmagasiner de la valeur. Donc plus j’ajoute de photos à Facebook, plus je donne de données à l’entreprise, plus j’ai de contenu, plus j’ai de followers, plus je m’investis en cycles successifs dans le hook et plus il devient important pour moi. ,Plus je m’investis dans le produit, plus j’y emmagasine de la valeur et plus je deviens dépendant au produit.

Beaucoup s’en sortent extrêmement bien, enfin, cette entreprise n’a pas cessé d’impressionner. Je pense que les habitudes sont un grand avantage compétitif. Je pense que ce que Facebook a compris – et je crois que Zuckerberg devrait recevoir beaucoup de crédit pour cela – c’est qu’il a réalisé que le Facebook du futur ne sera pas le Facebook d’aujourd’hui. Donc chaque fois que quelqu’un menace les habitudes de ses utilisateurs, il achète ces gens. C’est pour cela que Facebook a payé vingt-deux milliards pour Whatsapp. C’est pour cela que Zuckerberg a payé un milliard de dollars pour Instagram et tout le monde riait, je me souviens quand il a acheté Instagram, « Quoi, il a acheté ce stupide service photo, grosse affaire, il a payé un milliard pour ça, mec, il a surpayé. » Au bout du compte, si vous séparez Instagram de Facebook aujourd’hui Instagram vaut quarante-cinq milliards de dollars, alors qui rit à présent? Donc Zuckerberg comprend le pouvoir des habitudes et tout ce qui menace les habitudes de ses utilisateurs. Il essaie d’abord de copier, il a essayé de recréer certains produits et s’il ne peut pas, alors il finit par acheter ces produits.

Mike Fishbein – Nir a mentionné que Zuckerberg a d’abord essayé de copier Instagram. Nous avons vu la même chose quand Google a créé Google Plus. Il semble que ça ne fonctionne pas la plupart du temps. Mais qu’est-ce qu’il faudrait pour voler les habitudes d’une entreprise?

Nir Eyal – Les habitudes sont un énorme avantage compétitif mais elle ne sont pas impénétrables. Il y a trois façons de voler l’habitude d’un concurrent, une habitude non confirmée.

La première est de faire passer les utilisateurs à travers le hook plus rapidement. Donc si vous pouvez trouver quelque chose dans l’interface qui fasse passer par le déclencheur, l’action, la récompense et l’investissement plus rapidement, vous avez une chance de constituer une habitude.

La deuxième manière est de pouvoir augmenter la fréquence avec laquelle les utilisateurs passent par ce hook. C’est typiquement ce qui se passe lors d’une quelconque forme de changement d’interface. Nous sommes donc passés de l’ordinateur de bureau, à l’ordinateur portable, au téléphone mobile et maintenant les technologies portables. Chaque fois que c’est arrivé, nous avons pu accéder à ces technologies plus fréquemment. Et donc le point d’ancrage des habitudes a été complètement remanié. Maintenant les anciennes habitudes doivent être importées vers les nouvelles interfaces et parce que nous avons pu passer par le hook plus fréquemment, les nouvelles entrées sur le marché ont eu une chance.

Donc Facebook a été créé pour l’ordinateur de bureau ou l’ordinateur portable, nous avions beaucoup d’espace, vous pouviez mettre beaucoup de choses dans une page web mais ce n’était pas initialement un produit conçu pour les téléphones portables comme Instagram l’était et qui était vraiment un réseau social créé pour le mobile. Cette nouvelle habitude est apparue parce que ce produit était optimisé pour être utilisé sur mobile et il est donc plus fréquemment utilisé.

Et enfin la troisième manière de capter les habitudes de la concurrence c’est de rendre la récompense plus attrayante. Donc si vous pouvez avoir le type de produit qui est utilisé et qui rend le produit plus gratifiant que le produit des concurrents, si votre produit est plus gratifiant alors c’est une autre façon de pouvoir capter les habitudes. Donc par exemple, Zuckerberg a offert trois milliards de dollars pour Snaptchat car pensez-y, si vous recevez un message sur Snapchat ou un message sur Facebook, quelle récompense est plus gratifiante pour ouvrir cette application, laquelle allez-vous consulter en premier? Allez-vous consulter le post Facebook de tante Mathilda ou allez-vous consulter le post Snapchat de quelqu’un avec qui vous avez flirté? Oui, vous allez consulter Snapchat. La récompense est plus gratifiante. Et c’est principalement dû au fait que les messages Snapchat explosent. Donc le l’appréciation des gens sur ce qu’ils sont prêts à envoyer, et bien ils sont prêts à envoyer avec moins de retenue. Ils envoient des photos amusantes, aguichantes et sexy ce qui rend la récompense plus gratifiante.

Mike Fishbein – Ce concept de rendre un produit plus gratifiant que le produit d’un concurrent redéfinit la façon de penser la concurrence. Vous ne rivalisez pas seulement sur des caractéristiques. Vous rivalisez sur les caractéristiques qui répondent aux préoccupations de l’utilisateur de façon plus pertinente et fondamentale d’un point de vue psychologique. Creusons un peu plus ceci. Pourquoi et comment Facebook rivalise avec Snapchat pour remédier à l’ennui et à la solitude?

Nir Eyal – La récompense variable est issue du travail de B.F.Skinner, le père du conditionnement opérant. Vous vous souvenez peut-être de Skinner par vos cours sur les bases de la psychologie à l’université.

Skinner a effectué des expériences très intéressantes. Dans celle qui vient à l’esprit, il a pris des pigeons, il les a mis dans une petite boîte, il leur a donné un petit disque à picorer et chaque fois que le pigeon picorait le disque, il recevait une récompense, un petit granulé de nourriture. Et ce que Skinner a trouvé c’est que au début lorsqu’il donnait cette récompense selon un planning prévisible, les pigeons faisaient claquer le disque, recevaient le granulé de nourriture, il pouvait dresser ces pigeons à picorer le disque à chaque fois qu’ils avaient faim.

Mais ensuite Skinner fit quelque chose d’un peu différent. Il introduisit un planning de récompense intermittent, une récompense variable. Donc parfois, les pigeons picoraient le disque et il ne se passait rien, la fois suivante où le pigeon picorait le disque il recevait une récompense. Et ce que Skinner a observé c’est le taux de réponse, le nombre de fois où ces pigeons picoraient le disque augmentait lorsque la récompense était donnée selon un planning variable de renforcement. Et donc vous trouverez également ces récompenses variables pour les produits que nous trouvons les plus attrayants, les plus créateurs d’habitude, les choses qui captent notre attention et ne la lâchent plus.

C’est une chose avec laquelle Facebook se démène énormément. Si l’équilibre entre le banal et l’intéressant devient complètement détraqué, si c’est ennuyeux, si la récompense n’est pas suffisante, les gens s’en vont. Vous devez donc trouver le bon équilibre et bien sûr, Facebook doit équilibrer sa « banalisation ». Et maintenant que le réseau est devenu tellement grand et que tout le monde est dessus, vous savez, je ne sais pas si je trouve les posts de ma tante Mathilda si intéressants, je ne trouve certainement pas les posts publicitaires tellement intéressants, donc Facebook utilise des algorithmes pour déterminer ce que vous trouvez intéressant, en se basant sur votre comportement, en se basant sur votre investissement dans le produit, ce que vous aimez, les choses sur lesquelles vous cliquez, ce que vous regardez, pour modifier votre fil.

C’est en fait un gros avantage que Facebook a sur Twitter. Car Twitter, ils ont trouvé de nouvelles innovations afin de gérer votre fil mais votre fil d’actualité Twitter arrive en temps réel, il n’est pas programmé par des algorithmes comme le fil Facebook. Vous savez, Facebook ne vous montre pas tout ce que font vos amis, ils vous montrent ce qui d’après eux devrait vous intéresser le plus afin de conserver la récompense variable à un bon équilibre.

Mike Fishbein – Maintenant que nous comprenons mieux la récompense, il est important dans toute gestion de produit d’avoir une méthode reproductible pour tester et mesurer vos progrès au cours de la mise en application.

Nir Eyal – L’état de l’art que je connais consiste à faire un suivi par cohorte. Vous définissez donc le niveau d’utilisation que vous attendez pour qu’un utilisateur habitué s’implique dans le produit. Ça dépend de votre produit, il n’y a pas de nombre magique. Pour certains produits il serait cohérent que les usagers habitués l’utilisent tous les jours, peut-être plusieurs fois par jour, peut-être une fois tous les deux trois jours, peut-être une fois par semaine.

La première étape est d’identifier à quoi ressemble un utilisateur habitué, avec quelle fréquence il s’engage.

Effectuez ensuite un changement dans votre produit et effectuez un suivi par cohorte. Le nombre n’a pas d’importance, choisissez juste un nombre et focalisez-vous sur l’avancée constante de vos progrès. Donc choisissez ce nombre, la fréquence, le pourcentage d’utilisateurs que vous appelez habitués, en vous basant sur ce critère du nombre de fois où ils utilisent le produit et apportez ensuite des modifications au produit en utilisant le modèle du hook.

Déterminez quel est votre hook, déclencheur, action, récompense, investissement, faites des modifications en fonction de ça et observez comment cela affecte le pourcentage d’utilisateurs que vous définissez comme habitués.

Mike Fishbein – Nous avons donc une meilleure compréhension de l’engagement utilisateur et la création d’habitudes grâce à Nir. A présent voyons comment Nir raisonne sur la prochaine série de questions que nous avons posées à tous ceux que nous avons interrogés.

Nir EyalOK, alors comment est-ce que j’utilise ma propre théorie?

Alors, maintenant laissez-moi préciser que tous les business modèles n’ont pas besoin d’habitude. Il y a de nombreux business qui peuvent utiliser la psychologie du comportement de l’utilisateur sans nécessairement avoir besoin de l’habitude.

Donc vous pouvez comprendre de façon morcelée, « hey, voici le principe de la psychologie du consommateur, comment puis-je améliorer mon expérience, comment puis-je concevoir un meilleur produit sans nécessairement créer une habitude. »

Si votre business requiert une habitude, si la façon dont vous créez, dont vous produisez de la valeur exige que les gens reviennent par eux même comme ces entreprise dont j’ai parlé, si vous pensez à Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest, Whatsapp, ces entreprises ne pourraient pas survivre sans habitudes. Ils feraient faillite si ils devaient dépenser de l’argent dans de la publicité pour ramener les utilisateurs. Ces entreprises ont besoin de l’habitude et doivent comprendre les quatre étapes du hook.

Donc si votre entreprise est comme cela, vous aussi vous devez comprendre ces quatre étapes du hook. Maintenant, en tant qu’auteur, je n’ai pas besoin que mon livre soit créateur d’habitude. Un livre c’est quelque chose que vous achetez, que vous lisez et vous n’allez pas nécessairement le lire encore et encore. Il n’a pas une variabilité infinie, vous comprenez les principes et ça s’arrête là. Je tombe donc dans la catégorie précédente. Je veux dire, je fais cela pour le plaisir, je n’écris pas des livre pour gagner de l’argent, il n’y a pas tellement d’argent dans les livres et j’ai lancé deux entreprises qui heureusement s’en sortent donc je ne fais pas cela pour m’enrichir, je fais cela parce que j’ai eu des difficultés pendant longtemps en tant que chef de produit et je sais combien c’est difficile de créer un produit que les gens utilisent vraiment. C’est pour cela que je fais ce que je fais.

Mais cependant, j’utilise beaucoup des principes du livre de façon fragmentaire. Juste un exemple rapide qui me vient, la phase d’investissement. J’ai fait quelque chose de fou avec mon livre qu’aucun éditeur ne vous autoriserait à faire mais que j’ai fait quand même puisque j’ai auto-édité le livre. J’ai autorisé neuf-cents lecteurs de mon blog à lire mon manuscrit en entier sur Google Doc. L’accord c’était que si vous aviez lu mon livre en ligne et apporté des commentaires, ce que vous aviez aimé, ce que vous n’aviez pas aimé, si vous aviez corrigé ici et là, si vous m’aviez fait un retour sur le manuscrit, vous deveniez un contributeur et le marché c’était que je mettais votre nom à l’arrière du livre et ils sont à l’arrière du livre jusqu’à aujourd’hui. Il y a les noms de tous ceux qui m’ont aidé sur le livre.

Pourquoi j’ai fait cela? Premièrement, j’avais vraiment besoin d’aide, je voulais améliorer le livre et je ne pourrai jamais remercier assez mes contributeurs. Ils ont fait un travail incroyable, le livre s’est énormément amélioré grâce aux commentaires qu’ils ont laissé. C’était aussi une manière de créer de l’investissement. En produisant un effort pour le produit, en laissant ces commentaires, en s’investissant dans le livre, ils sont également devenus mes promoteurs, ils devenaient des gens que je pouvais solliciter ultérieurement et leur dire « Salut, vous avez contribué au livre, il est maintenant disponible sur les étagères de vos magasins donc vous pouvez aller le chercher dès maintenant. » Et ça a amélioré le produit pour eux et de façon utile, car parce qu’ils m’ont aidé à corriger le livre, ils peuvent voir leurs corrections dans la version finale du livre et trouver leurs noms à la fin. J’utilise donc beaucoup des principes de la psychologie du consommateur afin de faire un produit plus intéressant.

Comment j’utilise nos tests de customer development dans ma propre entreprise, dans mon propre livre?

Et bien vous savez, mon blog est une forme de test utilisateurs. Je ne travaille plus sur les produits à proprement dit, j’aime seulement beaucoup écrire et j’aime beaucoup répondre à ces questions passionnantes que j’ai dans ma propre tête. Donc voir les réponses des lecteurs c’est un peu ma façon de faire des tests utilisateurs. Je n’ai donc jamais dit que j’allais écrire Hooked, j’ai dit accessoirement « Je vais écrire un livre sur les produits hautement performants ». J’ai commencé à écrire des petits posts sur mon blog, j’ai commencé à voir à quoi les gens s’intéressaient et si c’était des sujets que je trouvais vraiment intéressants, je voyais ensuite les réactions des gens et j’apprenais quelles étaient les questions pour lesquelles ils cherchaient des réponses. Mon produit simplifie en quelque sorte la vie des chefs de produit en leur faisant connaitre ces principes sur la façon de construire des produits créateurs d’habitude. J’ai donc pu tester cela, post après post sur mon blog.

Je lis un livre appelé, The half life of facts qui est un livre très intéressant sur la façon dont ce que nous pensons vrais s’altère avec le temps. Comment ce que nous pensons être un fait peut changer au cours d’une vie ou de la vie de plusieurs générations.

Quel est mon cauchemar en gestion de produit?

Je pense que c’est horrible, lorsque l’on construit un produit en isolement lorsqu’on a pas de retour client ou lorsqu’on n’applique pas les méthodologies Lean startup en customer development, je pense que c’est très important de le faire, mais ce qui est encore pire c’est quand vous les suivez à la lettre et que vous construisez tout de même le mauvais truc. C’est un peu cauchemardesque également, non?

Car franchement, la voie facile est de faire ce que nous avons l’habitude de faire. Le développement en cascade. Vous collez les ingénieurs dans une pièce, ils codent ce que vous avez conçu pour eux, vous n’entendez plus parler d’eux pendant six mois un an, ils sortent, ils disent « voici le produit » et grosse surprise, personne ne veux l’utiliser. C’est un scénario assez commun. C’est plutôt facile lorsque vous y pensez en termes de décision à prendre, comment produire un produit. C’est la directive du manager paresseux. Allez construire le produit, faites ce que je vous dit. La perspective éclairée est « Non, non, non, nous devons faire du customer development, nous devons obtenir le retour des utilisateurs ».

C’est beaucoup plus difficile à faire si vous y réfléchissez que de dire simplement « construisez ce que je vous dis de construire. » Parce que vous devrez être ouvert aux critiques, vous devrez juger de ce que l’on construit et ce que l’on ne construit pas. Mais curieusement, le scénario le plus effrayant c’est de faire cela et que votre fichu produit ne soit toujours pas utilisé. C’est le pire de tout, vous avez emprunté la voie difficile et vous avez obtenu le même résultat. C’est vraiment le cauchemar que j’essaie d’éviter, que pour être honnête j’ai expérimenté trop souvent parce que nous n’arrivions pas à décider quoi construire. C’est là que ce cadre est utile, en utilisant ces principes profonds de psychologie pour construire le bon produit plus tôt.

Mike Fishbein – Si vous êtes comme moi, vous voudrez en apprendre beaucoup plus de Nir. Voici comment vous le pouvez.

Nir Eyal – Oui merci, c’était un plaisir. Donc mon blog se trouve sur Nirandfar.com, le livre c’est Hooked: how to build habit forming products. Il est disponible dans n’importe quel endroit qui vend des livres.

 

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